jeudi 30 octobre 2008

L’argent est-il une fiction ?

C'est effectivement une question intéressante posée sur certains forums. Ils ont raison de dire que l'argent n'existe pas, si on se limite à la monnaie scripturale, c'est à dire les inscriptions en compte d'avoir et dettes, éventuellement représentés pas des titres (billets à ordre, traite,...).

L'argent prends également d'autres formes, notamment fiduciaire, sous forme de billet, et métallique. Sans rentrer dans tous les détails, les "différentes sortes d'argent" sont suivies sous un vocable barbare "M1", "M2", "M3"...qui permettaient de suivre / établir un rapport entre le marché monétaire et celui des biens et services. Cet outil est complètement obsolète, il date des années 70 et depuis, les autorités ne l'ont jamais vraiment adapté à la créativité humaine, qui est sans borne.

Même s'il y a toujours eu un lien entre le marché des bien et services et le marché monétaire, personnellement, je crois très fort au fait de rattacher les devises à l'étalon or, qui est une ressource finie, comme toutes les ressources sur cette terre, sauf l'argent purement scriptural. Le fait d'adosser une ressource finie, à une économie de Bien & Services également finie limiterais les dérives que nous avons connues et connaissons encore.

On peut trouver les fondements économiques de la crise actuelle, comme c'est très souvent le cas, dans la crise précédente, la fameuse bulle internet. Les différentes banques centrales ont alors ouverts grands les robinets à Argent, en abaissant les taux d'intérêts en dessous du taux d'inflation, créant par la sorte une demande artificielle de crédit. Résultat des courses, une inflation totalement incroyable des biens immobiliers pour commencer, des matières premières ensuite.

En effet, les immeubles se modélisent, sur le plan financier comme une obligation. Le nominal (où la valeur faciale est le prix de revente espéré, que chacun veut plus élevé que le prix d'achat, et oui, nous sommes tous de vilains spéculateurs, les banques ne font qu'agréger l'offre et la demande), les coupons, sont les loyers et/ou les remboursements de crédits. Comme pour les obligations, lorsque les taux du marché diminue, la valeur de marché de l'obligation augmente, d'autant plus fort que cette obligation a une échéance lointaine. C'est ce que techniquement on appel le "Duration", ou Macaulay Duration. Cette fonction n'est pas linéaire mais bien de type parabolique.

Maintenant, vous ajoutez à ça le fait que les banques augmentent la durée sur laquelle les prêts sont octroyés, et vous faites exploser la valeur des immeubles au-delà de toute raison. La surchauffe de la construction et de la consommation engendre des tensions sur les marchés des matières premières (cuivre, fer, acier,...) qui sont limités en quantités, sur les salaires, et j'en passe.

Comme dans toute surchauffe économique, il survient un moment où le crédit se tend et ou les primes de risques sur les prêts octroyés augmentent. Et oui, vous l'avez compris, le phénomène inverse se produit, le prix des maisons descend.

C'est là qu'intervient un facteur psychologique que personne n'avait modélisé, que du contraire, le comportement "incivique" de dizaine de milliers d'emprunteurs, qui voyant qu'ils ne réaliseraient pas la plus value avec effet de levier sur leurs maisons, décide tout simplement de "couper leurs pertes" en cessant de payer leurs emprunts (bouh !! les vilains spéculateurs! Quoi? Ce n'est pas des banques?). Ceci est possible aux USA (et aussi en UK) car il est possible pour de simples individus de se mettre en faillite personnelle, et en plus, comme il n'y a pas de carte d'identité, il suffit de changer d'Etat pour recommencer (cette fois en achetant une maison qui a déjà été fortement dépréciée).

Le phénomène est aggravé par deux facteurs. D'une part, la masse d'immeubles soudains en vente, précipite la chute du marché, d'autre part, la hausse des taux coince les revenus les plus faibles qui avaient tablés sur une hausse perpétuelle de l'immobilier.

Comme toutes ces maisons servent de collatéral aux emprunts, la valeur des collatéraux s'écrase et la solvabilité de la banque suit le même chemin. Ôôôh paradoxe, à cause de la réglementation Bâle II sur les fonds propres, qui oblige les banques à compenser la perte de valeur des collatéraux avec du capital économique, le crédit et les liquidités se font de plus en plus rare.

Pourtant, d'un point de vue gestion du risque "pur", les banques ont fait ce qu'elles devaient. Les fameuses titrisations (Collaterized Debt Obligations – CDO-) que tout le monde qui n'y connaît rien rend responsable du crash, sont à la base un mécanisme génial de diversification du risque. Il s'agit de regrouper à l'actif d'un véhicule idoine des dizaines de milliers de crédits hypothécaire, et au passif, d'emmètre des obligations pour lever les fonds nécessaire. Le fait de regrouper des milliers, voir des millions de créances rend le risque statistique de défaillance quasiment nul. Quasiment. Car les évènements rares se produisent. Si nous prenons un exemple concret, l’action Yahoo ! voici ce que ça donne. Si nous prenons les données journalières du cours de bourse entre le 12 avril 1999 et le 29 octobre 2003, la chute maximale de cours s’élève à -23.50%. Ceci avait exactement 0.0001690% de chance de se produire…et pourtant ça s’est produit le 11/10/2000. Donc une gestion de risque qui aurais tenu compte d’une probabilité de perte avec un degré de certitude de 99.999%, se serait plantée.

Ce qui en revanche est inquiétant, c’est de voir à quel point, les autorités recommencent les mêmes erreurs, en injectant des quantités astronomiques de liquidités dans le marché, et en jouant derechef au sorcier monétaire, en abaissant à nouveau les taux directeurs….pour faciliter le crédit.

Alors la prochaine fois que vous lirez quelque chose dans "la-presse-qui-sait-tout-et-qui-parle-d'une-seule-voix-avec-les-politiciens-qui-veulent-notre-bien", relisez ceci, et mettez en perspective.

mardi 12 février 2008

Trends: un magazine de gauche

Presque chaque matin, je me tape la chronique économique d'Amid Faljaoui sur Classic 21. Ben oui, c'est de ma faute, personne ne m'oblige à écouter cette radio pour fonctionnaire du SPF Finance neurasthénique, mais malheureusement c'est la seule que je capte sur le dernier tronçon d'autoroute menant chez mon actuel client.

Chers lecteurs, vous l'aurez donc deviné ça fait un bout de temps que j'ai envie de brocarder un tantinet ces rubriques éconocomiques, dans le plus pur style "café du commerce". Non pas que j'ai jamais tenu le Trends en haute estime, tant ses articles sont simplistes, mais ici on atteint le degré zéro de la réflexion et de l'information.

Notre chroniqueur-cible donc, s'en prenait se matin au "chantage à l'emploi" effectué par certaines entreprises afin de voir diminuer leur pression fiscale. D'une part il traitait du cas d'Arcelor et des quotas de pollution, d'autre part il stigmatisait SN Brussels qui revendiquait un statut fiscal spécial pour son personnel navigant, afin que celui-ci ne quitte pas la compagnie Belgicaine, pour des cieux franchement plus rémunérateurs. Sa conclusion était en substance, que les entreprises bénéficiant de régimes fiscaux particuliers transféraient leurs charges d'impôts vers celles n'en bénéficiant pas.

De trop nombreuses remarques me viennent à l'esprit tant cette approche de la part d'un magazine "business" est surréaliste.

Tout d'abord, la chronique de monsieur Faljaoui implique le postulat de base que l'impôt est incompressible, partant, les dépenses de l'Etat sont immanente et acquise une fois pour toute. L'impôt devient donc un droit de l'Etat qui jouit du monopole de la violence légalisée, exigible dans l'arbitraire le plus pur, puisque règne-le sur mesure fiscal. Qui dit Etat dit lobby, dit également iniquité et loi du plus fort.

Il est donc important de rappeler ici, que l'impôt provient du travail et de la propriété privée, et qu'il constitue une voie de fait contre le citoyen en lui dérobant du patrimoine légitimement acquis au moyen de son travail, des risques pris et surtout de la valeur ajoutée qu'il a crée pour la collectivité et que cette dernière a librement consenti à lui acheter, au prix du marché. En outre, tant la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (article 17) que sa version dévoyée de 1948 (article 17 également) consacrent le caractère sacré et inviolable de la propriété. En outre, l'original en son article 14 insiste sur le caractère librement consenti de la contribution publique. Enfin, la version étatique de 1948 n'abroge pas celle de 1789. Je pourrais poursuivre cette réflexion sur le caractère confiscatoire de l'impôt en parlant de ce que la Magna Carta Libertatum de 1215 en dit, mais vous trouverez bien vous-même.

Enfin, il m'est toujours extrêmement jouissif de rappeler que les entreprises ont une valeur ajoutée pour la collectivité et produisent des biens pour lesquels il existe une demande, et ce généralement sous la double contrainte de la concurrence et de la rémunération du capital. Partant, elles ne maîtrisent que peu leurs prix de ventes et se doivent de piloter leurs résultats en comprimant les coûts aux maximum. Il est donc légitime pour les entreprises de se battre pour rester en vie en obligeant l'Etat à relâcher son emprise. Et n'en déplaise à monsieur Faljaoui, le premier bénéficiaire de cette lutte est l'emploi, le vrai, celui qui crée et pas le fonctionnariat, ce régime exorbitant du droit naturel.

mardi 29 janvier 2008

SG & Co


Etant particulièrement concerné par le "buzz" que génère l'affaire Société Générale je ne pouvais que me fendre d'un petit post sur le sujet. Fidèle à ma ligne rédactionnelle, ne vous attendez pas à du politiquement correct.

Pour commencer il faut sans doute expliquer (très brièvement, je vous rassure) ce que sont les "produits financiers dérivés". A l'origine, ce type de contrat est très ancien, puisque dès l'époque des romains, il existait des contrats permettant d'acheter (et donc de vendre) une quantité déterminée de céréales à un prix déterminé au terme d'une période fixée. Ceci avait pour but de "sécuriser" les gains de la récolte dans le chef de l'agriculteur. Ce mécanisme antique n'était cependant pas sans risque, puisque d'une part, l'agriculteur contractait l'obligation de livrer une quantité à un prix fixé à l'échéance, et donc s'il faisait une mauvaise récolte il devait acheter lui-même le complément à livrer, éventuellement à un prix supérieur à celui fixé dans le contrat, ce qui générait une perte dans son chef. Et en admettant que notre agriculteur puisse livrer la quantité contractuelle à l'échéance, le prix du marché de la céréale concernée (le sous-jacent en jargon) à l'échéance pouvait-être largement supérieur au prix de vente du contrat (le prix d'exercice toujours en jargon), rendant le contrat désavantageux dans le chef de notre agriculteur.

De l'autre côté, l'acheteur sécurise son prix d'achat de la céréale, mais cours évidemment le risque inverse de celui du vendeur. Si le prix de la céréale sur le marché à l'échéance du contrat est inférieur au prix d'exercice prévu dans le contrat, notre acheteur encaissera une perte économique. De surcroit, il aura l'obligation d'acheter la quantité de céréale prévue au contrat, qu'il en ait encore besoin ou non.

Nous pouvons donc déduire deux choses de ce qui précède. D'une part, les dérivés sont de précieux instruments dès lors qu'il s'agit de "verrouiller" des gains en limitant les conséquences des fluctuations de prix. D'autre part, le risque couvert par le contrat dans le chef d'une des parties engendre inéluctablement une position spéculative dans le chef de la contrepartie. Et inversement. Les gains de l'un seront les pertes de l'autre, il s'agit donc d'un jeu à somme nulle.

Certains esprits tatillons m'objecteront avec justesse, que l'économie n'est pas un jeu à somme nulle, qu'il y a création de richesse. C'est bien sur correct, mais les produits dérivés portant en général sur des périodes relativement brèves, on peut sans problème considérer l'impact de la création de richesse comme insignifiant. En outre les versions "modernes" desdits contrats tiennent compte de cette création de richesse en intégrant dans leurs valorisations un taux d'intérêt "risk free"

En première conclusion nous disons donc que le monde de la finance n'est pas constitué uniquement de vilains spéculateurs qui font de l'argent avec de l'argent. Il s'agit plutôt de rendre des services totalement liés à l'économie réelle, en permettant aux entreprises (et dans une moindre mesure aux particuliers) de sécuriser leurs revenus en transférant leurs risques futures vers la sphère financière. Cette dernière génère donc de l'argent en offrant une valeur ajoutée à l'économie réelle et non ex-nihilo comme d'aucun le disent.

En seconde conclusion nous répondrons à une interrogation sommes toutes légitime: "Mais ou sont donc passés les 5 milliards ?". Et bien cher lecteur, puisque tu es perspicace et que tu as compris qu'il s'agit d'un jeu à somme nulle, cet argent n'a pas "disparu". Il a simplement changé de main.

Il est hallucinant de voir que beaucoup d'auteurs non autorisés (lisez "journalistes", ou "politiciens"), pensent qu'il est possible de faire "apparaître" et "disparaître" de l'agent à l'instar d'un lapin. Notez, ceci explique peut-être pourquoi ils sont de si piètres gestionnaires…

Quant à ce pauvre Jerôme Kerviel, fait-il l'objet d'un complot, est-il un bouc émissaire, est-il un individu particulièrement mal faisant ? Sur le fond, toutes ces questions sont totalement absurdes. Pour vous donner un exemple un de mes clients dont ce n'est pas le "core business" détient des futures sur indices à concurrence de plus de 91 milliards d'USD. Est-ce dangereux en soi ? Est-ce de la spéculation ? Pas en l'espèce puisqu'il agit en tant qu'agent et donc son exposition nette est nulle puisqu'il achète pour des tiers qui désirent se couvrir contre des fluctuations du marché. Lui ne prends qu'une commission pour service rendu.

Concernant ce brave Jerôme Kerviel, je dirai deux choses pour conclure ce post. D'une part, comme beaucoup de traders, il souffre d'une addiction. Et comme tous les joueurs, c'est une dépendance à la perte et non au gain. D'autre part, cette affaire démontre aux maniaques du contrôle et des règlements, que jamais une loi empêchera un acte, tout au plus le rendra-t-elle répréhensible. Tout comme le vol est interdit, ce n'est pas pour ça qu'il n'y a plus de voleurs.









jeudi 24 janvier 2008

Manichéen

Voici ma réponse à cet article paru dans le journal "le Soir".

Au XXI siècle, le simplisme de votre raisonnement est effarant. Opposer les intérêts des salariés et ceux du capital est non seulement archaïque mais de surcroit néfaste pour ces deux catégories. Affirmer ce genre de raisonnement nie le fait qu'une bonne partie du capital provient de l'épargne (volontaire ou non) des salariés, ignore la nécessité du capital pour créer des emplois et fait comme si ces "deux mondes" étaient étrangers l'un à l'autre.

Vouloir mettre en exergue cette opposition en omettant le rôle confiscatoire, spoliateur et illégitime de l'Etat dans la faiblesse du pouvoir d'achat relève de la propagande d'un autre âge. La première atteinte à la richesse des ménages est de loin, l'impôt au sens large. Il nourrit une classe de parasites, qui jouit d'une rente en bénéficiant d'un régime exorbitant car exempt de risque et vide de valeur ajoutée, le tout sous prétexte d'une solidarité avec les plus démunis. Quel cynisme !

La vie est un risque permanant. Ne pas l'assumer relève de la pensée magique, est infantilisant et empêche l'épanouissement de l'Homme.