mardi 29 janvier 2008

SG & Co


Etant particulièrement concerné par le "buzz" que génère l'affaire Société Générale je ne pouvais que me fendre d'un petit post sur le sujet. Fidèle à ma ligne rédactionnelle, ne vous attendez pas à du politiquement correct.

Pour commencer il faut sans doute expliquer (très brièvement, je vous rassure) ce que sont les "produits financiers dérivés". A l'origine, ce type de contrat est très ancien, puisque dès l'époque des romains, il existait des contrats permettant d'acheter (et donc de vendre) une quantité déterminée de céréales à un prix déterminé au terme d'une période fixée. Ceci avait pour but de "sécuriser" les gains de la récolte dans le chef de l'agriculteur. Ce mécanisme antique n'était cependant pas sans risque, puisque d'une part, l'agriculteur contractait l'obligation de livrer une quantité à un prix fixé à l'échéance, et donc s'il faisait une mauvaise récolte il devait acheter lui-même le complément à livrer, éventuellement à un prix supérieur à celui fixé dans le contrat, ce qui générait une perte dans son chef. Et en admettant que notre agriculteur puisse livrer la quantité contractuelle à l'échéance, le prix du marché de la céréale concernée (le sous-jacent en jargon) à l'échéance pouvait-être largement supérieur au prix de vente du contrat (le prix d'exercice toujours en jargon), rendant le contrat désavantageux dans le chef de notre agriculteur.

De l'autre côté, l'acheteur sécurise son prix d'achat de la céréale, mais cours évidemment le risque inverse de celui du vendeur. Si le prix de la céréale sur le marché à l'échéance du contrat est inférieur au prix d'exercice prévu dans le contrat, notre acheteur encaissera une perte économique. De surcroit, il aura l'obligation d'acheter la quantité de céréale prévue au contrat, qu'il en ait encore besoin ou non.

Nous pouvons donc déduire deux choses de ce qui précède. D'une part, les dérivés sont de précieux instruments dès lors qu'il s'agit de "verrouiller" des gains en limitant les conséquences des fluctuations de prix. D'autre part, le risque couvert par le contrat dans le chef d'une des parties engendre inéluctablement une position spéculative dans le chef de la contrepartie. Et inversement. Les gains de l'un seront les pertes de l'autre, il s'agit donc d'un jeu à somme nulle.

Certains esprits tatillons m'objecteront avec justesse, que l'économie n'est pas un jeu à somme nulle, qu'il y a création de richesse. C'est bien sur correct, mais les produits dérivés portant en général sur des périodes relativement brèves, on peut sans problème considérer l'impact de la création de richesse comme insignifiant. En outre les versions "modernes" desdits contrats tiennent compte de cette création de richesse en intégrant dans leurs valorisations un taux d'intérêt "risk free"

En première conclusion nous disons donc que le monde de la finance n'est pas constitué uniquement de vilains spéculateurs qui font de l'argent avec de l'argent. Il s'agit plutôt de rendre des services totalement liés à l'économie réelle, en permettant aux entreprises (et dans une moindre mesure aux particuliers) de sécuriser leurs revenus en transférant leurs risques futures vers la sphère financière. Cette dernière génère donc de l'argent en offrant une valeur ajoutée à l'économie réelle et non ex-nihilo comme d'aucun le disent.

En seconde conclusion nous répondrons à une interrogation sommes toutes légitime: "Mais ou sont donc passés les 5 milliards ?". Et bien cher lecteur, puisque tu es perspicace et que tu as compris qu'il s'agit d'un jeu à somme nulle, cet argent n'a pas "disparu". Il a simplement changé de main.

Il est hallucinant de voir que beaucoup d'auteurs non autorisés (lisez "journalistes", ou "politiciens"), pensent qu'il est possible de faire "apparaître" et "disparaître" de l'agent à l'instar d'un lapin. Notez, ceci explique peut-être pourquoi ils sont de si piètres gestionnaires…

Quant à ce pauvre Jerôme Kerviel, fait-il l'objet d'un complot, est-il un bouc émissaire, est-il un individu particulièrement mal faisant ? Sur le fond, toutes ces questions sont totalement absurdes. Pour vous donner un exemple un de mes clients dont ce n'est pas le "core business" détient des futures sur indices à concurrence de plus de 91 milliards d'USD. Est-ce dangereux en soi ? Est-ce de la spéculation ? Pas en l'espèce puisqu'il agit en tant qu'agent et donc son exposition nette est nulle puisqu'il achète pour des tiers qui désirent se couvrir contre des fluctuations du marché. Lui ne prends qu'une commission pour service rendu.

Concernant ce brave Jerôme Kerviel, je dirai deux choses pour conclure ce post. D'une part, comme beaucoup de traders, il souffre d'une addiction. Et comme tous les joueurs, c'est une dépendance à la perte et non au gain. D'autre part, cette affaire démontre aux maniaques du contrôle et des règlements, que jamais une loi empêchera un acte, tout au plus le rendra-t-elle répréhensible. Tout comme le vol est interdit, ce n'est pas pour ça qu'il n'y a plus de voleurs.









jeudi 24 janvier 2008

Manichéen

Voici ma réponse à cet article paru dans le journal "le Soir".

Au XXI siècle, le simplisme de votre raisonnement est effarant. Opposer les intérêts des salariés et ceux du capital est non seulement archaïque mais de surcroit néfaste pour ces deux catégories. Affirmer ce genre de raisonnement nie le fait qu'une bonne partie du capital provient de l'épargne (volontaire ou non) des salariés, ignore la nécessité du capital pour créer des emplois et fait comme si ces "deux mondes" étaient étrangers l'un à l'autre.

Vouloir mettre en exergue cette opposition en omettant le rôle confiscatoire, spoliateur et illégitime de l'Etat dans la faiblesse du pouvoir d'achat relève de la propagande d'un autre âge. La première atteinte à la richesse des ménages est de loin, l'impôt au sens large. Il nourrit une classe de parasites, qui jouit d'une rente en bénéficiant d'un régime exorbitant car exempt de risque et vide de valeur ajoutée, le tout sous prétexte d'une solidarité avec les plus démunis. Quel cynisme !

La vie est un risque permanant. Ne pas l'assumer relève de la pensée magique, est infantilisant et empêche l'épanouissement de l'Homme.